Réflections sur le métier de professeur

Jérôme et moi avons fondé Danse-Salsa.lu en 2013 : le but était de partager le bien-être et la joie que représentent les danses et les musiques qui nous viennent d’Afrique et des Caraïbes.

Suite à la crise que l’on vit depuis de nombreuses années partout dans le monde, il a été indispensable pour moi de faire un véritable travail de remise en question de mon rôle de professeur.

L’éducateur dans notre société est selon moi capital, parce que c’est lui qui est responsable de transmettre les cultures orales, populaires et ancestrales que ses pairs, grands parents, professeurs, lui ont transmis.

Cette histoire n’a pas été transcrite dans des livres, mais elle est inscrite dans nos cœurs, dans nos âmes, dans nos chairs.

Avoir eu la chance d’écouter ces récits, recevoir ces cadeaux, est inestimable, ils nous aident à rester humbles : ce que nous vivons aujourd’hui, a déjà été vécu par autrui.

Je me sens incroyablement chanceuse d’avoir pu me nourrir du savoir des personnes qui m’ont précédée, il est donc important pour moi de reconnaître que ces histoires ne devraient absolument pas être perdues : c’est une responsabilité pour ceux qui en ressentent l’appel, de les transmettre aux générations futures.

Les musiques et les danses ont certes évolué, mais si l’on ne connaît pas les traditions et les racines qui les ont vu naître, on perd le sens même de la pratique qui est très souvent holistique et thérapeutique.

Dans un monde où la famille et où les relations humaines sont mises à mal, le rôle du professeur et de l’éducateur, est de mettre à disposition de ses élèves un endroit chaleureux, familial, de confiance, dans lequel ils pourront s’épanouir telles de belles plantes.
Il a le rôle de transmettre l’humilité, le partage, la joie de vivre, il a le bonheur d’être gratifié de la confiance de ses élèves.

Lui même vit de mauvaises journées et tombe malade, néanmoins sa mission est de proposer un moment hors du temps à ses élèves, de les faire voyager loin du stress et des problèmes de la vie quotidienne.
Il les encourage à se dépasser afin de devenir meilleurs, il se remet en question continuellement, se forme de manière perpétuelle.

Beaucoup d’artistes vivent aujourd’hui des difficultés afin d’obtenir de la reconnaissance, un salaire, ainsi qu’une vie digne.

Nous avons tous tendance à montrer nos victoires, mais jamais nos échecs, qui nous font souffrir, pleurer, tomber malades.

Ma question est celle-ci : quelle valeur donnez-vous à ce type de travail ?
Sommes-nous vraiment non essentiels ?

Je pense que nous avons tous un travail à accomplir dans ce monde, et aujourd’hui nous avons besoin du soutien de chacun d’entre vous afin de continuer à partager ces moments hors du temps.

Beaucoup d’entre vous nous observent de loin et nous envoient des mots affectueux : pourquoi rester cachés derrière un écran alors que l’on pourrait se retrouver physiquement ?

Il m’arrive continuellement d’entendre que nos services sont trop chers, alors qu’ils sont souvent sous facturés par rapport à l’énorme travail en amont : corporel, musical, administratif, et j’en passe…
Nous sommes obligés de travailler à des tarifs dérisoirs, plutôt que de ne pas travailler du tout.

On nous contacte souvent pour organiser des évènements, on attend de nous un résultat professionnel, et on s’entend proposer, pour un groupe de 10 à 20 danseurs et musiciens, un salaire qui ne nous permettrait même pas d’acheter un seul instrument de musique.

Quand on connaît le tarif pour la location de matériel de sonorisation et de podiums, les êtres humains qui sont sensés faire vivre vos événements, sont moins biens payés qu’une tente ou qu’un sol.
Résultat, souvent certains clients investissent dans la location de podiums vides.
Que pensez-vous de cela ?

Je suis sidérée d’entendre des gens se plaindre du tarif d’un cours à 15€, alors que ces mêmes personnes investissent des sommes monstrueuses pour s’acheter la dernière voiture à la mode, ou bien pour aller manger au restaurant tous les jours.

Ce texte ne vise pas à me plaindre, mais plutôt à informer le public des conditions désastreuses dans lesquelles vivent les artistes, danseurs, musiciens, qui font leur métier avec beaucoup de cœur, afin d’améliorer humblement la vie d’une partie de la population qui nous gratifie de sa confiance.

Pour terminer, je souhaite remercier les personnes qui, de près ou de loin, nous soutiennent, Jérôme et moi, depuis plus de 10 ans.

C’est grâce à vous que nous sommes encore sur la place luxembourgeoise aujourd’hui.

Nous souhaitons beaucoup d’amour, de bonheur, de danses et de musiques pendant de nombreuses années à vous tous.

Votre dévouée,
Alessia

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